Emeline Amangoua, journaliste ivoirienne au quotidien Fraternité Matin: « Il faut que davantage de femmes s’intéressent à l’investigation.»
15 novembre 2022Emeline Amangoua est journaliste ivoirienne au quotidien national Fraternité Matin. Après ses études en Géographie, elle s’est inscrite au Centre de la recherche et de la Communication (Cercom) à l’Université de Cocody pour acquérir des compétences en journalisme. Originaire de Toulepleu, Région du Cavally, Emeline Pehe Atcha est une professionnelle qui s’illustre dans l’investigation. Mariée et mère de deux enfants, cette férue de la plume est lauréate de plusieurs Prix Médias. Dans cet entretien, elle nous évoque ses débuts dans la presse, le déclic pour l’investigation et ses futurs projets.
Dorice DJETON
Action durable : A quel moment de votre vie avez-vous su que vous deviendrez journaliste ?
Eméline Pehe : Au départ, ce n’était pas mon métier de rêve, lorsque je commençais mes études au département de géographie à l’Université de Cocody. Brillante en mathématiques, j’ai fait la série scientifique au lycée moderne de Tengréla au Nord du pays. Quand je suis entrée au Centre de la recherche de la communication (Cercom), j’ai fait mon tout premier stage à la Croix-Verte. Cette organisation avait un partenariat avec une radio de la place, Radio Bonne Santé. J’y étais chargée de partager des informations sur l’environnement. Ayant, petit à petit, pris goût à ce milieu, donc à ce métier et au micro, le directeur m’avait confié d’autres émissions. J’ai commencé par avoir une passion pour l’animation et plus tard décidé de faire du journalisme à travers un stage à Fraternité Matin, grand quotidien pro-gouvernemental.
A quand remontent vos premiers pas dans la presse ?
En 2008, année de mon stage à Fraternité Matin. Auprès des aînés comme Mme Marcelline Gneproust, le regretté Doua Gouly qui m’ont donné goût à ce métier.
Quelle a été votre formation de base en termes d’études universitaires ?
Titulaire d’une maîtrise en Géographie, je me suis inscrite au Centre de la recherche et de la Communication (Cercom) à l’Université de Cocody.
Dans quel organe de presse avez-vous travaillé pour la première fois et quel souvenir en gardez-vous ?
Comme je l’ai dit, je n’avais pas pour ambition de devenir journaliste. Je rêvais plutôt d’être enseignante à l’Université. N’ayant pas achevé mon Diplôme d’études approfondies (DEA), j’ai décidé d’aller faire de la consultance en tant qu’animatrice radio à Radio Bonne Santé. Pour avoir rencontré une famille, des journalistes pétris de talents, j’ai opté pour une formation plus approfondie en journalisme.
Quel a été le déclic pour le journalisme d’investigation ?
A Fraternité Matin où j’ai eu la chance d’être encadrée et formée par des journalistes émérites, j’ai décidé de passer à une autre étape du journalisme; des comptes-rendus aux enquêtes, dossiers en passant par le grand genre.
En 2020, vous avez reçu un prix. Brièvement, quel article vous a valu cette distinction ?
L’article avait pour titre Filière palmier à huile : ça ne baigne plus pour les planteurs. Dans cette production, il a été question de la baisse drastique du prix d’achat des régimes de palmes, ces dernières années. Cette situation a naturellement provoqué la diminution des revenus des producteurs. D’où notre incursion, à travers une enquête, dans ce secteur.
Le jury a primé l’article pour la pertinence du sujet, la qualité d’écriture etc.
L’investigation ne se fait pas sans une petite dose de risques. Quelles sont les précautions que vous prenez sur le terrain ?
Effectivement, l’investigation se fait avec beaucoup de risque. Pour s’y investir, il faut être professionnel sur le terrain. C’est ce que j’ai eu à faire lors de mon enquête sur les mineurs professionnels du sexe à Adjamé Black. Ce sujet était d’autant risqué et très sensible qu’il concernait des adolescentes entretenues par les proxénètes. Comment avoir accès à l’information sans mettre sa vie en danger. L’activité de prostitution qu’elle exerce se fait généralement la nuit, précisément à partir de minuit. Pour avoir les informations, nous sommes allés sur le site d’une Ong de défense des droits des enfants.
Où et comment trouvez-vous les ressources nécessaires pour vous lancer sur le terrain ?
Les moyens sont soit donnés par la Rédaction ou par les organisations qui lancent des appels à candidatures pour des investigations.
Les femmes sont-elles présentes dans l’investigation journalistique en Côte d’Ivoire?
Certes, les femmes ne sont pas nombreuses dans le métier, mais elles s’intéressent beaucoup à l’investigation. De grands noms sont connus dans le milieu ; Cependant, il faut que davantage de femmes journalistes s’intèressent à l’investigation.
Journaliste et maman, souvent sur le terrain ou en voyage. Comment ça se passe ?
Il faut savoir concilier et relever ces trois challenges pour se frayer un chemin et surtout se faire aduler par la hiérarchie et son lectorat ; conjuguer organisation, soutien de la famille et détermination afin d’y arriver.
Quel est votre meilleur souvenir de la profession ?
C’est la mission que j’ai effectuée avec le défunt Premier ministre Amadou Gon Coulibaly à New-York aux Etats-Unis dans le cadre des Assemblées annuelles de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international . Ce fut un énorme privilège pour moi de voyager avec le chef du Gouvernement ivoirien et sa délégation.
Si vous devrez changer de métier ?
Celui d’entrepreneur, j’aime prendre des risques et oser.
Emeline, en termes de perspectives. Des projets ?
Passer à une autre étape de ma vie professionnelle : créer ma propre entreprise de presse. Je prépare la sortie de mon ouvrage, un best seller de mes différents reportages (comptes-rendus, enquêtes, dossiers…) à l’intention du Grand public.