Flore NOBIME, journaliste spécialiste des questions de développement: « L’investigation est fastidieuse, chronophage, ruineuse mais ça vaut la peine »
15 novembre 2022Journaliste-reporter béninoise, Flore NOBIME est une plume au service de la communauté. Historienne de formation, option droits de l’homme et relations internationales, elle a travaillé pendant plusieurs années au quotidien ‘’l’événement précis’’. Depuis une décennie, elle s’’investit dans l’investigation. Ce qui lui a valu plusieurs prix médias dans la sous-région. Aujourd’hui en freelance, ses thématiques de prédilection sont la santé, le genre et plus largement les questions de développement. Dans cet entretien, elle partage ses succès et ses mésaventures dans sa quête de l’information.
Action durable : Flore et la presse, une passion, un rêve d’enfance, un concours de circonstances?
Flore NOBIME : C’est l’histoire d’une passion pour la radio que je n’ai d’ailleurs jamais fait. J’écoutais énormément Africa N°1 à un moment donné. Quand je suis arrivée à l’université et que je j’ai décidé d’intégrer ce qu’on appelait alors les institutions spécialisées, j’avais la possibilité d’aller vers la radio mais j’ai porté mon choix sur la presse écrite et le scoutisme.
Dans quelle presse aviez-vous fait vos premiers pas dans la presse ?
Les premiers pas je les ai faits au sein du journal des étudiants Le Héraut où j’ai appris les notions basiques.
Flore NOBIME et l’Evénement Précis. Que retenir ?
L’Evénement Précis, c’est le journal qui m’a donné l’opportunité de me révéler à moi-même et aux autres. Je lui dois beaucoup.
Quel a été le déclic pour le journalisme d’investigation ?
Un atelier de formation organisée en 2014 en Côte d’Ivoire par l’Institut Panos Afrique. Il y a eu beaucoup d’autres ateliers mais c’est de celui-là que tout est parti.
Flore NOBIME, c’est aussi des prix médias. Quel est votre secret ?
Je n’ai pas un secret. Je lis beaucoup mes confrères et consœurs du Bénin et d’ailleurs. Je me documente aussi beaucoup, sur toutes sortes de sujets. Je suis curieuse et j’ouvre grands les yeux et les oreilles partout où je vais.
Parlez nous brièvement de l’article qui vous a valu votre toute première distinction dans la presse.
Il s’agit d’un article sur la santé de la reproduction des adolescents et jeunes que j’ai réalisé en 2018. L’article interpellait le gouvernement sur les engagements qu’il a pris au profit des adolescents et jeunes. Aujourd’hui plus que jamais, cette couche a besoin de de toutes les attentions sinon, elle pourrait devenir une bombe.
L’investigation ne se fait pas sans une petite dose de risques. Quelles sont les précautions que vous prenez sur le terrain ?
En matière de précautions, quand je dois aller dans des localités reculées, je me fais accompagner par des personnes sûres, des confrères de la localité ou personnes recommandées par ces confrères. J’ai aussi un nombre restreint de personnes que j’informe quand je me déplace.
Où trouvez-vous les ressources pour vous lancer sur le terrain en tant que journaliste freelance ?
Ces ressources proviennent de mes collaborations avec certains médias et institutions et si j’ai pu retenir l’attention de ces derniers, c’est grâce à mes enquêtes et reportages.
Les femmes et l’investigation au Bénin. Que dire?
Je trouve que nous ne sommes pas nombreuses et c’est dommage. Il y a quelques années, j’étais à un atelier sur le crime organisé. Le journaliste d’investigation ghanéen Anas Aremeyaw y était aussi. Il avait déclaré que les meilleurs journalistes de son équipe étaient des femmes. C’est vrai que l’investigation est fastidieuse, chronophage, ruineuse mais ça vaut la peine.
Partagez avec nous une anecdote qui peut servir de leçon à d’autres femmes journalistes.
En 2016, j’ai réalisé un reportage sur une maternité isolée dans une localité du sud du Bénin. Ce reportage a touché des gens qui ont donné un coup de main à cette maternité.
Un regret ? une mésaventure ? racontez …
Une mésaventure. C’est mon arrestation alors que j’étais sur le terrain à Tanguiéta, dans le nord-ouest du Bénin avec un confrère néerlandais. Nous avons été détenus pendant trois nuits et quatre jours dans de mauvaises conditions. D’une simple vérification de nos identités au commissariat, on a fini par être placés en garde à vue avant d’être transférés à Cotonou. Le motif de notre arrestation ne nous a été communiqué que le lendemain. Nous étions soupçonnés d’espionnage. Finalement nous avons été libérés au bout du quatrième jour.
Journaliste et maman, souvent sur le terrain? Deux astuces qui vous aident à concilier tous ces challenges ?
C’était difficile quand ma fille était encore en bas âge. Je culpabilisais même quand je devais partir pour plusieurs jours. Aujourd’hui, c’est une adolescente et on passe beaucoup de temps ensemble. Je n’avais pas d’astuce en tant que tel. Quand elle était petite, je mettais la famille à contribution et je parlais avec elle au téléphone tout le temps que je passais hors de la maison.
Actuellement, quels sont les médias avec lesquels vous collaborez ?
Je collabore surtout avec des médias en ligne, au Bénin et dans la sous-région. J’ai aussi des propositions de collaboration avec des médias hors d’Afrique.
Flore NOBIME, quand vous vous projetez dans l’avenir, où serez-vous d’ici 10 ans ?
Dans dix ans, je touche du bois, je me vois toujours dans les médias ou dans un secteur en lien avec les médias.